Ne pleure pas ma belle

Lisa Lai

 

Ne pleure pas ma belle

Ne pleure pas tes cheveux

Tes cheveux raides, éteints et noirs —

les plus noirs des noirs

Et qui ne brillent jamais sous le soleil

Sois fière parce que la nuit fait pareil.

 

Ne pleure pas ma belle

Ne pleure pas ton nez

Ton nez large et plat, 

Sans contour, sans bout pointu

Réjouis-toi de sa merveilleuse rondeur,

Une rondeur qui est née de la douceur.

 

Ne pleure pas ma belle

Ne pleure pas la couleur de ta peau

Ta Peau qui n’est pas blanche comme la neige,

une blancheur que tu as toujours désirée

Souris parce que Dieu t’a créée aux couleurs couleur de la terre,

La terre qui embrasse tout comme notre Mère.

           

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En tant qu’asiatique, l’infériorité associée à la peau foncée fait écho en moi. Je suis d’origine chinoise, où le teint pâle est toujours préféré. Je suis née avec la peau foncée, ce qui m’a coûté énormément de moqueries de la part de mes camarades. Le fait d’être la seule dans ma famille avec la peau foncée n’a fait qu’ajouter à ma honte. Après avoir immigré au Canada, à un jeune âge, j’ai été encore bombardée par la présence de la peau claire qui était partout, mais cette fois, je suis devenue consciente non seulement des teints, mais aussi des traits de visage complètement différents des miens. Une fois, un camarade m’a fait remarquer que mes yeux étaient grands, ce qui pour lui n’était pas un trait typiquement asiatique. Une autre fois, on m’a même demandé si j’étais métisse. Les remarques de ceux et de celles qui m’entouraient m’ont fait questionner mon identité : d’une part, il était évident que je n’étais pas blanche ; d’autre part, parfois, je ne me sentais pas assez chinoise. À un moment, j’ai eu même envie d’effacer mes traits asiatiques afin de ressembler à mes amis blancs. Même si la peau bronzée est à la mode en Occident, il reste toujours une partie en moi qui désire avoir une peau claire ; cet idéal va certainement me hanter pour toujours, malgré ma résistance. Pourtant, j’ai décidé d’écrire un poème à propos du racisme intériorisé et de mon insécurité par rapport à mon apparence, inspiré par l’auteur martiniquais Patrick Chamoiseau, qui utilise l’écriture comme manifeste. J’aimerais m’adresser aux femmes de couleur.

 

À propos de l’auteure 

Lisa Lai est une étudiante en quatrième année à l’Université de Toronto. Elle est en train de terminer une spécialisation en langue et littérature françaises ainsi qu’une mineure en histoire de l’art. Ayant immigré de la Chine au Canada à un jeune âge, elle partage son temps entre les deux pays. Les déménagements fréquents lui fournissent une appréciation profonde pour les langues et les différentes cultures. Elle espère un jour trouver une profession qui lui permettra de combiner sa passion pour les langues et la mode.